Les contes interdits - 22 - Barbe bleue by Laflamme Steve

Auteur:Laflamme, Steve [Laflamme, Steve]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Horreur
Éditeur: Éditions AdA
Publié: 2021-03-31T22:00:00+00:00

1. Société québécoise du cannabis, qui administre la production et la vente du cannabis et de ses produits dérivés depuis 2017.

12

L e nom me disait vaguement quelque chose. Miki DiMaio. Sa tête, un peu moins. Miki était suspendu à une dizaine de mètres du sol, la corde passée autour de son cou, la nuque fracturée. Même tout en bas, je pouvais voir ses yeux exorbités, sa langue tout enflée et la peau de son visage qui avait adopté la teinte indigo d’un ciel d’orage. Apparemment dans la vingtaine, Miki s’était pendu à une haute branche d’une épinette, sur la propriété de Barbe bleue. Le cadavre était nu, et pour faire fi de son sexe bandé comme une patte de chaise, il aurait fallu être complètement aveugle ou aussi peu physionomiste qu’une limace.

— Mon Dieu !, me suis-je exclamée en arrivant près de Sébastien.

Il s’était départi des artifices du charmeur dont il était paré la dernière fois que je l’avais vu. Il était venu seul sur la propriété de Kovač. À certaines branches des arbres s’accrochaient encore des chapelets de gouttes de cette pluie qui avait flagellé la région la veille. Le corps du pendu y avait été exposé, comme le trahissait son état lamentable.

Une question stupide m’est venue en tête, le genre de remarque qu’on peut lancer lorsqu’on est troublé au point de perdre ses repères.

— Il est monté là tout seul ?

— Je ne vois pas qui pourrait l’avoir hissé jusque-là…, a riposté Sébastien.

Le pauvre garçon avait laissé ses vêtements au pied de l’arbre, comme une mue détrempée par l’orage, et avait grimpé sur une dizaine de mètres. Sébastien et moi avons gardé le silence, le temps de contempler l’horreur et de nous figurer à quel point il fallait être résolu à en finir pour mettre à exécution un plan aussi glauque.

Un souvenir s’est imposé à moi : j’ai repensé à ma visite en ce lieu, la veille. Avant de trouver la trappe s’ouvrant sur le bunker, j’avais entendu un cri au milieu du bois. Deux fois. Était-ce Miki DiMaio qui s’était jeté dans le vide ? Sébastien ne m’a pas laissé le temps de lui révéler cette information.

— Ce n’est pas tout, Iris…

J’ai suivi Sébastien encore plus profondément dans la forêt, inconfortable comme peut l’être celle qui revient sur les lieux de son agression. Car il ne fallait pas avoir peur des mots : c’était une agression. Je m’étais enfoncée dans la crypte aménagée par un psychopathe, j’avais été confrontée aux corps qu’il conservait comme des trophées – au même titre que les crânes empaillés de ces animaux qui ornaient les murs de son chalet. Des crânes de chats , qui plus est !

Nous sommes passés à proximité de la trappe pratiquée dans le sol de mousse.

— Tu es descendu ? ai-je demandé à Sébastien en la désignant.

Il s’est retourné, a jeté un œil désintéressé à la trappe et a secoué la tête.

— Je n’ai pas trouvé la clé.

La clé ! Je m’en suis voulu : dans l’angoisse, j’avais rapporté la clé chez moi en partant d’ici.

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